Les Tunisiens vivent, depuis lundi, sous l’emprise de trois événements majeurs, la rentrée scolaire, les résultats du premier tour de la présidentielle et la campagne pour les législatives. Trop de stress et trop de temps de mobilisation pour une population qui vit tout au long de plusieurs mois sous une très haute tension, politique, économique, sociale et culturelle.
Tout cela dans un pays qui évolue dans un interminable flottement, avec les conséquences que l’on sait. Pire, il se débat dans une crise morale, aiguë de par son intensité, grave de par ses origines et ses conséquences et qui a trouvé illustration dans les résultats du vote.
Un acte souverain qui est venu sanctionner la classe politique et exprimer la revanche de ceux qui ont eu ras-le-bol de ladite classe et ceux qui souffrent de marginalisation. Au lieu de s’occuper du problème de la pauvreté, en déclarant l’austérité intelligente et en imposant la justice sociale, les différents gouvernements n’ont fait, en effet, que céder aux revendications syndicales.
Une crise morale qui fait que n’importe qui ose se porter candidat à la présidence, même parmi les psychopathes, les délinquants et ceux accusés de crimes financiers qui, chose impensable, peuvent frôler la haute trahison et ceux qui ont su exploiter le filon du misérabilisme, et exploiter à fond les besoins et la détresse des populations nécessiteuses et les dangers qui planent sur les acquis de la femme.
Avec une audace déconcertante et inquiétante, certains se sont proposés en sauveteur, alors qu’ils versaient de l’huile sur le feu, et les conflits entre les différents candidats, entourés chacun de ses supporters ont évolué vers une vraie guerre civile avec comme armes la Com. Cela sans oublier les transactions occultes et les coups bas. Ce qui a eu pour entre autres conséquences l’intensification du flou dans lequel baigne le pays.
La rentrée universitaire, elle, s’est placée sous le signe d’une crise entre l’administration et une bonne partie du corps enseignant, et une rentrée scolaire, de base et secondaire sous le signe de la cherté du coût de l’enseignement pour la famille et l’épée de Damoclès du syndicat. Ainsi plus de la moitié de la population générale est aujourd’hui à bout.
Une situation appelée à devenir encore plus tendue, non seulement parce que le flou qui accompagne les élections persiste, mais aussi et surtout parce que l’enjeu est vital pour le pays. Le duel attendu pour Carthage, entre les deux finalistes, sera, d’abord très violent et à l’issue incertaine.
Idem pour celui pour le Bardo qui risque de n’aboutir à aucune majorité et qui sera sous influence du premier. A cela, il faudrait ajouter le problème que posera le choix du locataire de la Kasbah et le marathon pour la formation de son équipe, son intronisation, etc.
Or, celle-ci est tenue de proposer dans les délais le projet de budget général et celui de la loi de finances. Un vrai pétrin dans lequel nous allons tous être jetés. A moins de tout bâcler, il est extrêmement difficile pour ne pas dire impossible pour le nouveau gouvernement attendu de bien ficeler les projets cités tout en veillant à ce qu’ils reflètent la volonté des électeurs.
La tension a, en effet, commencé à grimper avec l’avènement, début mai dernier, du mois de Ramadan. Puis, crescendo une série d’événements coûteux sur tous les plans (fêtes familiales, fêtes religieuses, vacances, etc.), dont deux actes terroristes, une crise à Carthage, le décès du président de la république, la guerre par médias interposés et enfin le marathon des urnes.
Afin que cette «chakchouka» typiquement tunisienne ne se renouvelle plus, il faudrait, à notre humble avis, prendre une séries de mesures pratiques, et ce, en veillant à la conception puis à la mise en œuvre d’un programme national pour le développement de la citoyenneté.
Nous citerons parmi ces mesures celle qui consiste à réfléchir sérieusement à une forme plus démocratique et plus efficace pour le choix du chef de l’Etat qui pourrait éviter plusieurs dysfonctions. Là, nous proposerions l’élection d’un conseil de la présidence qui, lui, élira son président.
La candidature pour ledit conseil sera collégiale avec la proposition d’un programme bien clair et réalisable. Une fois élue, l’équipe choisira son chef qui sera le président du conseil de la République et non celui de la République. En cas d’empêchement, ledit président sera remplacé par le conseil sans recours au suffrage universel.
Autre proposition, organiser les élections au cours du mois d’avril, donc juste après la clôture de l’année fiscale, et ce, afin de permettre aux nouveaux responsables de mieux préparer les budgets et la loi de finances pour l’année à venir. Organiser un peu plus tard l’élection présidentielle afin d’éviter une longue et coûteuse mobilisation de la population.
Par Foued ALLANI